
Nous ne pouvons pas être surpris⸱es.
Même si découvrir le chiffre des presque 11 millions de français⸱es qui ont délibérément voté pour le fascisme reste accablant. Pourtant cela fait des années que cette échéance sordide approche. En parallèle l’État nous y prépare en appliquant et légitimant les idées et programmes d’extrême droite. Ni la gauche réformiste ni les tristes et ironiques « barrages » n’ont su stopper l’ascension inexorable du Rassemblement national et de ses avortons. Ni l’union ni la rétention des discours abstentionnistes ou révolutionnaires en général n’a suffi.
Aujourd’hui si la catastrophe totale d’une majorité absolue fasciste à l’Assemblée nationale peut encore être évitée, il est quasiment certain que le prochain gouvernement ou celui issu des prochaines présidentielles sera tout à fait brun. Le taux de participation record de ces législatives ne doit nous rappeler qu’une chose : le salut ne viendra pas des urnes, au contraire.
Cependant il est encore temps d’apprendre de nos erreurs et de préparer l’avenir. S’il est de plus en plus certain que reprocher à la poignée d’anarchistes et de révolutionnaires du pays la défaite de la gauche n’a pas de sens, il nous semble surtout important de rappeler l’évidence. La honte, elle est du côté des fachos, mais aussi de la droite et des partis réformistes de gauche. En effet les gouvernements successifs ont depuis de nombreuses années déroulé le tapis rouge aux idées les plus nauséabondes (destruction systématique du Code du travail, lois sécuritaires, chasse aux immigré⸱es, etc). Chaque main qui a déposé un bulletin pour l’extrême droite ou ses allié⸱es objectifs est tachée de sang et devrait être traité comme telle. La banalisation de tous les discours oppressifs et la libération de la parole d’extrême droite n’ont que trop duré.
À l’atmosphère irrespirable imposée à toutes les minorités depuis des années doit être opposée une véritable riposte antifasciste. Comme la honte, la peur aussi doit changer de camp. Aussi, nous devons prendre acte de la situation et nous organiser dès à présent en conséquence. Même si leur existence est déjà constamment menacée par le gouvernement actuel, c’est un tour de vis répressif supplémentaire qui s’annonce pour nos camarades sans-papiers, trans, précaires ou handi⸱es. Sont aussi menacé⸱es toustes celles et ceux qui luttent pour la fin des oppressions, pour la dignité des travailleur⸱euses ou contre l’État en général. De fait nous n’attendons rien de celui-ci et de ses institutions pour ce qui est de nous protéger de l’extrême droite. Les outils et verrous étatiques qui ne serviront pas directement aux violences des fascistes auront vite fait d’être détruits. Il est donc de notre responsabilité de nous préparer autant qu’il le faudra aux années à suivre. Pour autant de temps que l’extrême droite sera au pouvoir, sous une forme ou sous une autre, nous allons devoir serrer les rangs et les dents. Nous devons faire tout ce qui est en nos capacités pour permettre la survie des nôtres et de celleux qui luttent. Il est plus que jamais temps de rejoindre les associations, syndicats, organisations ou collectifs de lutte et de créer ou réactiver les réseaux de solidarité qui pourront apporter soutien et appui à toustes.
À Bordeaux, par exemple, la préfecture nous en fait déjà ressentir le besoin : la répression de ces dernières semaines contre la moindre présence antifasciste dans la rue ne peut que nous faire redouter le pire. Que ce soit l’interdiction quasi-systématique de tout rassemblement, le déploiement inouï de moyens contre l’AG Antifa (que nous encourageons d’ailleurs à rejoindre), ou même lorsqu’aucun rassemblement n’est appelé. La police sature l’espace public et est déjà prête à user d’une violence décomplexée face à une poignée de manifestant⸱es et quelques bris de glace. Alors avant de découvrir les résultats du 7, dont nous n’attendons rien, sans nous confondre en appels paternalistes ou leçons de stratégie que nous n’avons pas à donner, construisons dès maintenant nos moyens de subsistance face à la peste brune.
Bordeaux, 4 juillet 2024.