13 juillet 2024. Le candidat Donald Trump échappe à une tentative d’assassinat lors d’un meeting à Butler en Pennsylvanie. Trois jours après, non sans confirmer ce que tout le monde savait déjà, le patron de X, Elon Musk, annonce officiellement son soutien au candidat autocrate réactionnaire. Ce que certains auront analysés comme un ralliement isolé n’est en réalité qu’une confirmation de la porosité entre “la Tech” et les idées d’extrême droite.

Du techno-libertarianisme du patron d’Amazon au néofascisme de Peter Thiel, petit tour d’horizon de la Sillicon Valley car, au-delà des intérêts économiques, il s’agit d’analyser les convergences idéologiques avec la frange la plus réactionnaire du pays de l’oncle Sam. Cette dernière prend racine dans l’hégémonie WASP (White Anglo-Saxon Protestant) sur le monde des nouvelles technologies depuis qu’ils en ont évincés les femmes et les personnes racisées dans les années 80 avec l’aide de la “bro culture”. Ann Friedman décrit le bro comme « un jeune homme blanc égocentrique en short de bain avec un goût pour la bière bon marché. Mais c’est devenu un raccourci pour le genre d’ignorance privilégiée qui prospère dans des groupes dominés par des hommes riches, blancs et hétéros ». Ici le harcèlement sexuel est la norme, le racisme est la règle et l’entre-soi est le moteur.

Dans ce monde régi par l’homme blanc hétérosexuel raciste et sexiste, la majorité des 20 % de femmes qui y travaille, dont à peine 3 % de femmes racisées, finissent par démissionner et quitter le monde de la Tech. Les investissements “capital risque” vont exclusivement aux entreprises dirigées par des hommes. Les services RH recrutent quasi exclusivement des hommes. Les cas de racisme et/ou de VSS sont ignorés ou silenciés. On est loin du prideflag de Microsoft dans votre choix de photo de profil, du Black History Month mis en avant par Apple ou du logo de Google aux couleurs LGBTI.

Avec tout cela, quoi de plus logique que les patrons de toutes ces entreprises soutiennent et financent le parti politique qui leur garanti la poursuite de cette politique raciste et patriarcale sans encombre. Loin du simple aspect capitaliste – un gouvernement Trump rapportera beaucoup d’argent à la Sillicon Valley –, il s’agit bel et bien d’un soutien idéologique comme le montre la présence d’Elon Musk à la tribune des meetings de Trump, puis au gouvernement de ce dernier sans aucun doute. Issu d’une famille bourgeoise sud-africaine, le patron de X a multiplié les discours complotistes, sexistes, LGBTIphobes, racistes et antisémites, bien aidé par l’algorithme de la plateforme qu’il a rachetée en 2022 et dont il a réduit à néant toute possibilité de modération de contenu, licenciant l’équipe en charge de l’inclusivité au passage. Dans son sillage, plusieurs entreprises de la Tech US ont annoncé récemment la fin de toutes leurs politiques dites “DEI” pour Diversity, Equity and Inclusion. Nous ne sommes pas dupes sur l’affichage marketing des politiques DEI masquant les discriminations internes à ces entreprises mais le message porté par ces abandons massifs est catastrophique.

La victoire de Trump est aussi la victoire des patrons Libertariens de la Sillicon Valley souhaitant l’avènement d’une société sans règle, sans frein au profit immédiat, sans politique publique et où la loi du plus fort – ou du plus riche – est la seule loi. De Peter Thiel en passant par Jeff Bezos (Amazon), Mark Zuckeberg (Meta), Satya Nadella (Microsoft), Tim Cook (Apple), ou Sundar Pichai (Google), tous ont félicités chaleureusement le gagnant de l’élection de 2024 car tous sont persuadés que sa victoire annonce une ère de capitalisme encore plus effréné et de politique réactionnaire extrême. Tout ceci les arrange bien.

Face à ça, nous nous devons de quitter aussi vite que possible toutes ces plateformes numériques dont les algorithmes nous abreuvent de messages racistes, sexistes, complotistes et dont les revenus financent une idéologie mortifère. Nous devons encourager les initiatives technologiques qui respectent les utilisateurices comme les travailleureuses et qui ne sont pas tournées vers le profit. Nous devons regarder nos propres outils libres en face et dégager des instances de contrôle et de modération tous ceux qui ne font rien ou, pire, qui encouragent les discours d’extrême droite. Nous devons multiplier les initiatives de réappropriation des outils numériques avec une perspective antiraciste et antipatriarcale solide.